Le mépris comme règle de conduite
« Vous, on dirait des Segpa », assène la chef aux agents.
« Celui-là, est un cas. En plus, il a déjà été recalé », en parlant d’un stagiaire qui n’avait, par ailleurs, pas été recalé.
« Je vais me débarrasser des brêles », à propos des profs.
« Mme X, vous devriez vous reconvertir dans la Fonction Territoriale ».
« Mme Y, vous n’allez pas tenir jusqu’à la retraite. »
« Mme Z, vous êtes psychologiquement fragile ».
« Un syndicat dont j’ignorais l’existence », à propos de la CNT (qui lui a tenu tête dans son établissement précédent). Enfin ,elle a au moins avoué son ignorance.
« Les demandes pour avoir le mercredi matin, ne seront pas reçues, si on a des enfants, il faut se débrouiller », lors de sa première réunion de pré-rentrée. Et: « ce n’est pas parce qu’on a des enfants qu’il faut partir du collège à 16h30″.
Cette personne a fait disparaître le panneau syndical lors de la visite de Najat dans son établissement. Par la suite, dans sa lettre hebdomadaire, elle se vantait du fait que « Mme la rectrice a(vait) apprécié l’épisode du panneau syndical ».
Et l’on pourrait continuer avec les « perles » de cette personne qui sévit en tant que chef d’établissement dans le département du … Nous possédons un bon dossier sur elle, une copie de tous ses twits, des courriers privés, des lettres envoyés aux personnels, des témoignages écrits des collègues et des agents. Au Rectorat, elle a un dossier de harcèlement avec de profs partis en déprime à la clé. Une personne qui a été muté, c’est à dire, promue. Une chef d’établissement qui a fait campagne pour Queyranne sur twitter et qui se verrait déjà aux côtés de Najat à Villeurbanne. C’est bien cette dame qui a méprisé les grévistes d’Air France sur twitter ou qui a fait des commentaires sur Mélenchon (sur son compte twitter, il est précisé qu’elle est principale de collège…).
Le harcèlement est monnaie courante chez ces managers qui préparent « l’école de l’avenir », celle de la privatisation, de la notation à la tête du client, du copinage, des IMP distribuées à ses acolytes et qui font taire les rebelles. École que notre gouvernement démolit en se basant sur les forfaits des gouvernements précédents pour aller encore plus loin. Il va de soi qu’elle a fait payer à son collège l’abonnement à la revue Management, dont elle est la seule lectrice.
Ci-dessous, un article des collègues de la CNT sur le sujet. Précisons que depuis la publication de cet article, la situation ne fait que s’aggraver dans l’Éducation Nationale:
Halte au harcèlement moral au travail !
http://www.cnt-f.org/59-62/2014/05/halte-au-harcelement-moral-au-travail/
Si le harcèlement moral existe depuis toujours (quel que soit le milieu professionnel), il n’a été qualifié “d’illégal” que depuis son introduction dans le Code du travail et surtout depuis sa répression possible par le Code pénal (loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002). Des études annoncent des chiffres de l’ordre de 2 millions de salarié-e-s victimes de ce harcèlement et notons que, parmi tous les secteurs professionnels, les métiers de la fonction publique arrivent au premier rang.
Les sites et publications de la CNT se font régulièrement l’écho de cette souffrance au travail. Exemples :
Dans l’Éducation nationale, selon une étude du “Carrefour santé social” sur les risques psycho-sociaux réalisée en mai 2011, 24% des agents sont en état de tension au travail et 14% en situation de “burn out” (expression anglophone passée dans le langage courant et de plus en plus utilisé par les médecins généralistes pour décrire un syndrome frappant principalement les professions où l’on s’occupe de l’autre et ayant comme caractéristiques l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et la démotivation). D’après la MGEN (mutuelle de santé), ses services accompagnent 15.000 agents par an, dont « 6.000 bénéficient d’un tête-à-tête avec un psychologue ». Quant aux suicides, ils ne sont pas si rares que le Ministère veut le faire croire, même s’il est très difficile d’en chiffrer le nombre exact car il n’existe pas de statistiques fiables et/ou officielles sur le sujet (pour en savoir plus, lire cet article du Café pédagogique).
Dans la région, rappelons qu’une enseignante de 48 ans s’est suicidée le 21 octobre 2012 à Béthune. Extrait de l’article que nous avions publié à l’époque sur le site de la CNT 59/62 :
Ce suicide permet de mettre en évidence, et au cœur du débat, la dégradation des conditions de travail et d’exercice de nos métiers : effectifs de classes surchargés, nombre de classes en charge pour chaque enseignant en augmentation, précarité de l’affectation quand des centaines de postes sont fermés tous les ans, incertitude sur l’avenir professionnel, pressions internes au sein des établissements (chantage à l’emploi du temps, au service, aux heures sup…), réforme du bac pro modifiant considérablement le rapport à l’élève et à la discipline pour laquelle notre collègue avait été recrutée (comme c’est le cas pour bon nombre des réformes imposées ces dernières années)… Ces dégradations concernent par ailleurs aussi l’ensemble des personnels administratifs, sociaux et de santé de l’Éducation nationale. A cela s’ajoute la difficulté pour un enseignant et pour l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale de pouvoir exprimer son malaise ou sa souffrance professionnelle par manque de moyens (une seule visite médicale plus que formelle est requise à l’entrée dans le métier et plus rien ensuite pendant les 42 ans qui suivent) ou par peur de se retrouver étiqueté “mauvais prof”.
Aujourd’hui, la situation ne fait qu’empirer. Les chefs d’établissement jouant leur promotion sur les états de service qu’ils produisent eux-mêmes, ils ont tendance à étouffer les affaires. Quant aux autorités rectorales, elles minimisent ou imposent la loi du silence.
Dernier exemple porté récemment à notre connaissance, celui de Philippe, professeur de lycée dans le Pas-de-Calais. Extrait de son message :
J’ai été inspecté il y a deux ans. Le proviseur de l’époque a dit devant l’inspecteur de philo que mon cours était passionnant et que ça l’avait très intéressé. L’inspecteur m’a félicité et m’a fait un rapport louangeur. Je me croyais intouchable. On m’aurait dit qu’il m’arriverait une agression quelques mois plus tard, ça m’aurait fait bien marrer. Et pourtant, depuis le 2 décembre 2013, je suis en arrêt maladie après avoir été agressé par la proviseure due mon lycée. Après une hospitalisation en hôpital psychiatrique et dans deux hôpitaux en cardiologie, je suis suivi par une psychiatre et une psychologue. J’ai un traitement pour le cœur et pour ma dépression suite au traumatisme psychologique. J’ai demandé à un avocat de porter plainte en diffamation et pour défendre mon honneur professionnel. Comme je cotise à l’Autonome de Solidarité Laïque, je suis d’abord allé voir l’avocat d’Amiens qui m’a assuré être de l’Autonome de Solidarité Laïque. Mais ce qu’il m’a dit m’a mis la puce à l’oreille. En effet, il m’a appris que je devais le payer et qu’ensuite je serai remboursé par l’Autonome de Solidarité Laïque. J’ai contacté celle-ci, qui m’a révélé que l’avocat n’était pas ou plus à Autonome de Solidarité Laïque. J’ai donc pris un autre avocat. Celui ci m’a déconseillé fermement de porter plainte car il n’y avait pas de sanctions à mon encontre et que de toute façon l’affaire serait classée sans suite. Car au fond, la proviseure n’a fait que rapporter des ragots d’une élève et que, pour la violence de son intervention, cela reste malgré tout subjectif. De plus, cela allait m’embourber dans cette affaire au moins deux ans pour rien, dans l’hypothèse fort improbable qu’on ne la classe pas sans suites. Et même dans ce cas, elle finirait par être classée sans suite. Il me reste 1 an pour être légalement en retraite. Je pensais continuer un peu pour avoir un peu plus pour pouvoir financer les études de mes enfants. Là, je ne sais plus. J’attends l’avis du médecin expert avec qui j’ai rendez vous le 21 mai.
À propos des difficultés d’ordre juridique rencontrées par ce collègue cité ci-dessus, rappelons que, contrairement aux salarié-e-s de droit privé, les fonctionnaires ne peuvent pas avoir recours aux Prud’hommes, ce qui complique les choses pour se défendre en cas de harcèlement moral (les procédures au Tribunal administratif étant souvent plus longues et plus hasardeuses).
Face à cette situation, il faut surtout ne pas rester isolé mais, au contraire, se faire aider par des collègues, un syndicat, un collectif de lutte, etc. Ensuite, il ne faut pas hésiter à porter plainte. En effet, l’attaque et le soutien restent les meilleures réponses pour pouvoir sortir de l’état de détresse dans lequel plongent souvent les victimes de harcèlement. Il faut aussi diffuser l’information afin que tous les collègues sachent que ce qui arrive à certains d’entre eux et insister sur le fait que personne n’est à l’abri (de cette façon, le jour où cela leur tombera sur la tête… ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas !). Plus généralement, il faut dénoncer le cynisme, l’incompétence voire la nocivité des chefs d’établissement impliqués dans ce type d’affaires, s’attaquer à la structure hiérarchique de l’Éducation nationale ainsi qu’aux réformes néo-libérales qui renforcent le harcèlement. Enfin, contre le pouvoir des petits chefs mais aussi contre le « chacun pour soi » des collègues (un phénomène qui gangrène de plus en plus notre profession comme l’ensemble du monde du travail), il faut bien sûr s’organiser collectivement et sur la durée, en renforçant les liens et les réseaux de solidarité, en créant des collectifs de lutte, en militant au sein d’organisations syndicales sensibles à la thématique du harcèlement moral.
E. Dussart, CNT éducation 59/62
Renseignements officiels :
Article du site Service-Public.fr sur le harcèlement moral au travail et sur la façon de
porter plainte auprès du conseil des Prud’hommes (pour les salariés de droit privé)
ou du Tribunal administratif (pour les fonctionnaires)
Souffrance & Travail :
Un site proposant des infos pratiques et législatives
ainsi que des dossiers autour de la souffrance au travail
Film-documentaire récent sur le sujet :
Harcèlement Public de Bertrand Tesson (2011 – 52 mn)
Un livre parmi d’autres :
Pendant qu’ils comptent les morts
Entretien entre un ancien salarié de France Télécom et une médecin psychiatre
(La Tengo éditions – 2010 – 168 pages)
Un principal de collège avait des « difficultés de communication », les personnels non concernés ont accepté et certains ont même participé et soutenu le CE.
Bilan : un lanceur d’alerte sans emploi (vacataire), une sanction-promotion pour le CE et une méfiance dissimulée et persistante entre personnels.
Quatre ans de harcèlement aboutissent au même conseil que celui de l’avocat : abandonnez tout espoir de justice et fuyez pour vous protéger. Courage et bonne retraite